samedi 13 février 2010

W-X-Y-Z

La génération « Y » et la sphère politique au Québec

Combien de fois vous arrive-t-il d’entendre ou même de vous entendre dire que les jeunes sont totalement absents du débat public, de la sphère politique, ou qu’ils ne semblent avoir aucun intérêt à l’égard de la vie sociale et démocratique? Allons, personne ne vous entend réfléchir et comptez à l’intérieur de votre tête…très souvent?

De telles assertions entendues à maintes reprises, ont incité un jeune avocat, ayant le vent en plein dans les voiles de sa jeune carrière prometteuse, de laisser la firme pour laquelle il travaillait, de prendre sa voiture et de faire une tournée des régions du Québec pour vérifier le ou les fondements face à ces remarques que l’on peut se faire à l’égard de la génération « Y ».

Pour les besoins de la cause, la génération « Y » sont les jeunes ayant de 20 à 35 ans en 2010, donc nés entre 1975 à 1990. Ce sont donc les petits enfants des baby-boomers (ceux qui ont fait la Révolution tranquille) que je nomme affectueusement la génération W; cette génération Y sont les enfants de la génération « X » et les parents ou futurs parents de la génération « Z ». Rendu à ce stade, je commence à m’inquiéter sérieusement : est-ce la fin du monde après la génération « Z » ou va-t-on employer l’alphabet grec pour entreprendre un nouveau cycle?

On a beau vouloir philosopher, ça ne veut pas dire qu’on doit s’astreindre à une face carême pour autant…mais revenons à des considérations un peu plus sérieuses.

Ce jeune avocat part en tournée dans les régions du Québec pour vérifier le ou les fondements stipulant que les jeunes ne s’intéressent guère à la vie démocratique. Paul s’en inquiète car si une telle chose devait être vraie, les décisions d’instances politiques et gouvernementales au Québec dans les prochaines années pourraient être très périlleuses en l’absence des principaux concernés dans le débat. Il faut donc aller auprès de ces derniers pour entendre ce qu’ils en disent.

En discutant avec des groupes de jeunes de partout au Québec, Paul en arrive à quelques constats se résumant de la manière suivante : les jeunes sont très bien informés, en plus ils ont un intérêt très vif par rapport aux grandes questions débattues en société présentement. Mais l’implication de la génération montante (l’Y) dans le débat public rencontre quelques adversités:

  • La crédibilité de la sphère politique, malgré l'intégrité de certains individus, est tellement minée que les jeunes refusent de s'y associer. Dans une démocratie comme la nôtre, cela est très inquiétant.

  • Les jeunes ayant tenté l'expérience dans la sphère politique s’en trouvent étouffés d'une certaine manière, entre deux grands partis au Québec, ayant monopolisé le dynamisme des idées et restreint celles-ci à quelques grandes lignes politiques partisanes.

  • Le financement des partis politiques est un autre grand obstacle : la façon avec laquelle ça semble fonctionner en ce moment, c'est souvent de cette manière que les scandales prennent racine tout en apportant son lot de corruption auquel nous sommes confrontés présentement comme société et sujets du système démocratique.


Ce dont Paul va prendre conscience en jasant avec les jeunes de 20 à 35 ans de partout au Québec, est que le problème n'en est pas un d'intérêt par rapport aux débats publics. Paul se rend compte que ces questions là passionnent les jeunes, ils se sentent interpellés et concernés tout autant que la génération X et la génération des baby-boomers (la W). La problématique relevée par Paul n'en est donc pas une de dynamisme, mais de crédibilité toute entière de la sphère politique, dont les jeunes se distancent: « la sphère politique ne convainc plus personne tellement plusieurs de ses acteurs l'ont discréditée » disent-ils en substance.

Paul St-Pierre Plamondon est l’auteur d’un livre lancé dans la semaine du 8 février 2010 s’intitulant « Des jeunes et l’avenir du Québec », aux éditions Les Malins. Il est possible de voir et d’entendre Paul alors qu’il était l’invité de Louis Lemieux sur RDI à l’émission « Matin Week-end » le 13 février 2010. Ce livre raconte le voyage de Paul, ses rencontres avec les jeunes de la génération Y, ce qu’ils expriment et l’auteur propose quelques pistes de solutions. Pour ma part ce livre reste à lire, puisqu’il sera en librairie seulement à partir du 15 février.

Par ailleurs, les jeunes de la génération Y peuvent et sont invités à participer à un Sommet de Génération d’idées prévu pour très bientôt. Des consultations préparatoires prendront fin le 30 juin prochain, il est donc encore le temps de vous rendre sur le site web (http://sommet-gedi.ca/) de Génération d’idées pour s’y inscrire si vous êtes âgés entre 20 à 35 ans.

Je peux vous dire je suis très envieux, j’aimerais bien avoir la capacité de faire un voyage dans le temps de dix ou quinze ans en arrière pour avoir l’immense privilège de participer à un tel mouvement! J’exprimais d’ailleurs dans un court texte envoyé à l’équipe de Génération d’idées la chance unique que la génération Y a présentement de pouvoir provoquer, non pas un changement du cours des choses dans l’histoire actuelle du Québec, mais de révolutionner la sphère politique, de la même manière que la génération W l’a faite à l’aube de la Révolution tranquille.

J’y écrivais ceci :

« Je ne vais soumettre aucun texte, aucune idée, aucune proposition, bref je ne peux pas soumettre quoi que ce soit à ce projet fabuleux qu'est le Sommet Génération d'idées 2010.

Par mon âge, bien au-delà des limites admissibles à ce Sommet, il faut me restreindre (pauvre philosophe que je suis) au silence.

Cependant, je dirais tout de même quelque chose de manière ad hoc: ce que j'ai entendu à la radio durant la semaine du 8 au 12 février alors que Paul St-Pierre Plamondon s'est présenté aux micros de la Première chaîne radio de la SRC au moins à deux reprises, me laisse croire que la génération montante est pleine d'une vitalité très énergique, d'un raisonnement plein de gros bon sens, et ayant l'envie de refaire ce que la génération de mes parents ont fait à l'aube de la Révolution tranquille avant 1960, c'est-à-dire brasser la boîte à poux des gens au Québec. Ce qui est le plus impressionnant à entendre de votre génération, est l’immense soif d’authenticité auprès des gens que vous côtoyez et de recherche de vérité que cette génération Y exprime.

Ces entrevues données par Paul furent d'un très grand rafraichissement pour l'aîné que je suis pour vous, mais encore jeune par rapport à la génération qui fut celle de mes parents.

Avec l'accord des jeunes que vous êtes, je vais tout simplement me placer sur les lignes de bord du terrain et agir en observateur, afin d'insuffler les poumons de mon esprit de cette vitalité qu’est la vôtre.

De temps en temps je vais parler de vous sur mon blog afin que mes lecteurs puissent également reprendre un peu d'espoir face à la génération actuelle (à laquelle j'appartiens). J'ai l'impression de vivre l’une des périodes les plus sombres de l'histoire du Québec depuis avril 2003, étrangement ressemblante aux années du régime Duplessis au plan politique et social, une période qualifiée de « Grande Noirceur ». La période présente pourrait toute aussi bien se nommer « Les Années Ténébreuses ».

Vous ne pouvez savoir jusqu'à quel point vous êtes privilégiés d’organiser et tenir ce Sommet Génération d'idées, qui espérons-le, sera l'aube d'un jour lumineux se levant à nouveau sur le Québec très bientôt, comme ce fut le cas avec l'avènement d'un certain Jean Lesage, d’un René Lévesque et leur équipe du tonnerre.

C'est avec de grandes émotions que j'écris ces lignes présentement, espérons que ces émotions précèdent une grande joie à venir pour la nation québécoise.


Surtout ne lâchez jamais. »

Normand Perry
Soulanges au Québec
En ce samedi 13 février 2010, 22h30 pm


* * *


Le journal St-François de Valleyfield a publié cet article dans son édition papier et web le mercredi 17 février 2010.

dimanche 7 février 2010

Comment l'existence humaine peut être possible sans la confiance?

Comme je vivais le syndrome de la page blanche alors que je voulais livrer un peu de sens aux choses de la vie, par le biais de cette réflexion philosophique hebdomadaire, un appel à l’aide lancé à mes amis par courriel m’apporte de l’eau au moulin.

L’un de mes amis le plus cher (merci Jean-Louis), un africain du Congo Brazzaville, me fit la suggestion d’aborder le thème de la confiance, un thème central à un discours qu’il doit livrer ce week-end. Il me confiait « c’est aussi niaiseux que ça comme thème, mais il est précieux ». Comment pouvons-nous ne pas acquiescer à une telle remarque? Et non mon cher Jean-Louis, c’est loin d’être niaiseux ou imbécile le thème de la confiance : comment l’être humain pourrait-il fonctionner dans la vie sans une certaine dose de confiance? La très grande majorité de nos décisions ne sont-elles pas, en fin de compte, appuyé sur la confiance justement?


Dès sa naissance l’humain est confronté à un monde hostile au sortir du sein maternel d’où il a séjourné pendant les neufs premiers mois de son existence, dans un confort, une chaleur et un milieu aussi douillet que celui du sein de sa mère. Puis pouf! Il est poussé dans ce monde sans qu’on lui ait vraiment demandé son avis, coupé abruptement de tout ce grand confort. Il sort de son cocon pour arriver dans un milieu où son sens de l’épiderme doit subir un choc thermique, probablement une claque sur le fessier, la coupure du cordon ombilical, le lavement à une eau probablement beaucoup moins confortable par rapport au liquide dans lequel il immergeait dans le sein maternel. Puis enfin, on l’emmaillote pour le remettre quelques instants dans les bras de celle qui l’a portée pendant neuf mois. C’est précisément à cet instant que le siège de la confiance va prendre place dans la vie de cet individu. Toute une mise à l’épreuve pour un début de vie sur Terre, ne trouvez-vous pas? Comment la confiance de ce jeune poupon va-t-elle pouvoir émerger d’une telle épreuve? Dès le début de notre existence terrestre la confiance est un élément clé pour être en mesure de traverser ce fleuve de la vie. Elle sera fondée sur le rapport que le milieu d’accueil (la mère et le père) aura forgé pour ce jeune poupon. Je dis ce jeune poupon en parlant de « il », n’oublions pas que nous avons tous passé par ce stade.


Qu’en est-il alors du terme de cette vie? La fin de la vie est une réalité que tout être humain doit confronter, ce terme de la vie est inscrit sur la feuille de route celle-ci. Quel rapport avec la confiance certains auront instinctivement à l’esprit? Mais tout est là justement : la fin de la vie « la mort » faut dire le mot, a un rapport direct et intimiste par rapport à la confiance que l’humain a en l’existence. Ce qu’il y a de l’autre côté de la fin de l’existence terrestre personne de vivant ne l’a expérimenté, et lorsque l’expérience de la mort vient prendre le souffle d’une personne, celle-ci n’est plus en mesure de revenir nous en parler, n’ayant plus les capacités sensibles de le faire. Ici la confiance pourrait aisément prendre le nom et devenir concept de foi, la foi en quelque chose de meilleur, la foi en une dimension infiniment plus grande que celle où nous expérimentons notre vie quotidienne présente.


Cette question-là, celle du terme de la vie sur terre, a traversée toute l’histoire de la philosophie, depuis les Grecs jusqu’aux philosophes les plus contemporains de notre époque comme
Nietzshe par exemple. Pas un, même les plus grands de la philosophie, n’a vraiment répondu à la question du mystère de la fin la vie sur terre. Au contraire, les philosophes renvoient plus souvent qu’autrement l’être humain à sa propre finitude, à sa propre expérience de l’existence par des questions plutôt que par des réponses. Sauf un seul se démarquant par son originalité, un philosophe de la Grèce antique ayant eut une remarque absolument géniale à propos de la mort : « apprivoiser la mort est le début de la philo sophia (φιλοσοφία = aimer la sagesse) ». Ce philosophe n’a jamais même écrit une seule ligne, et pourtant même 2409 ans après sa mort, on parle encore aujourd’hui de ce Socrate. Socrate fut tellement marquant dans l’histoire de la philosophie occidentale, qu’on parle dans les milieux savants d’un avant et d’un après Socrate.


Entre les débuts et sa fin, il y a la vie sur terre en soit. Après avoir vécu une naissance choc, puis une prise de conscience graduelle de son terme inévitable, la personne humaine a nécessairement des choix à faire pour être en mesure de vivre cette vie pleinement et avec bonheur. La confiance va se bâtir peu à peu dans la mesure où cette personne humaine va croître, dépendamment des conditions entourant cette croissance, puis l’âge de raison emmenant la prise de conscience de toutes sortes de choses, dont le fait d’exister et de vivre, emmenant son lot de questionnements sur le pourquoi de l’existence. D’où cette lumineuse réflexion de Socrate « apprivoiser la mort est le début de la philosophie ». Ce que nous comprenons de cette citation est que la vie prend son sens à partir de son terme, ce terme va teinter la finalité de l’existence de chaque individu du moment où se fait cette prise de conscience.


Remarquons la place fondamentale occupée par la confiance dans la vie : toutes nos décisions, peu importe leur nature, vont nécessiter de la confiance pour qu’elles soient prise. En interrogeant notre aujourd’hui en tant qu’individu, force est de constater que la confiance jalonne, consciemment ou non, mais la plupart du temps de manière inconsciente, le fondement de chacune des décisions prises à un moment où l’autre de notre vie. Il en est de même pour la vie collective : que ce soit en milieu professionnel, dans nos groupes sociaux, les regroupements d’ordre politique et gouvernemental ou n’importe où ailleurs la confiance sera à la base de toute forme d’engagement, de décision et d’action.


Pour preuve observons simplement certains faits à propos de l’économie. Sur quoi donne-t-on foi à la valeur d’un billet de banque, que ce soit un cinq, un dix, un vingt ou un cent dollars? A sa couleur, à la texture du papier que nous tenons entre le pouce et l’index? Aucunement : un billet de banque peut importe le chiffre qui y est inscrit et sa couleur ou sa texture tire sa valeur de la confiance qu’on lui donne, rien d’autre. Évidemment, si un défaut est remarqué dans un élément ou l’autre de la forme de ce billet, notre confiance en sera ébranlé et par conséquent sa valeur également. Mais généralement un billet de dix dollars avec tous les éléments conformes à ce que nous connaissons de ce billet aura la valeur d’un dix dollars aux yeux de n’importe qui.


Un autre exemple : souvenons-nous des débuts de la crise économique actuelle. Elle fut engendrée en partie par la crise financière l’ayant précédée. La crise financière fut elle-même engendrée par une crise de confiance de plusieurs milieux à l’égard de la solidité du système financier international, en grande partie appuyé sur des prêts hypothécaires devenant de plus en plus fragile à cause du non remboursement de leurs termes par les emprunteurs. Cette situation que l’on découvrit alors généralisée aux banques américaines allait causer l’effondrement du système boursier américain d’abord, puis planétaire par la suite. Les investisseurs ont alors été pris de panique et ont retirés leurs billes du système parce que la confiance n’était plus au rendez-vous. Et on connaît la suite nous affectant aujourd’hui dans l’économie réelle et quotidienne de chaque personne et consommateur que nous sommes tous inévitablement. Et demandons-nous comment la récession mondiale prendra fin? Par la confiance des consommateurs dans le système dans lequel ils voudront bien reprendre leur consommation d’avant la crise. A savoir si la consommation devrait revenir au rythme effréné antérieur à la crise n’est pas l’objet de la présente réflexion, quoi que ce thème en mérite une à elle seule.


Voilà donc des exemples bien concrets de ce que la confiance peut générer lorsque n’est plus au rendez-vous dans la vie collective.


Revenons aux deux pôles de la vie ayant un impact fondamental sur la confiance individuelle, c’est-à-dire son commencement et son terme, et ce qu’il y a de plus important entre les deux, le fait d’exister en soit. Après l’observation faite jusqu’à quel point l’arrivée choc en ce monde peut avoir comme impact sérieux sur la confiance inconsciente d’un individu, et l’importance de la force de confiance face à la conscientisation de sa propre fin de vie, on se demande quel type de confiance est le plus important pour atteindre l’équilibre psychologique dans cette trame séparant le début et la fin de la vie, et il s’agit de la confiance en soi.


Pour que l’être humain puisse se réaliser adéquatement la confiance en soi est la base sur laquelle tout son équilibre, son psychè (
πσυχη) et son devenir va s’appuyer. De manière consécutive, la confiance en l’autre sera proportionnellement influencée par cet appui, tout autant que la confiance en la vie collective et à terme la confiance en un absolu. Lorsque nous arrivons à ce point, celui de l’absolu, la question est de savoir si le terme confiance est approprié ou si le terme foi aurait une plus grande justesse? S’il est vrai que l’idée de foi correspond la plupart du temps à quelque chose de religieux où il indique une certitude en une composition de croyances , dans l’esprit populaire le terme foi peut tout aussi bien indiquer une très forte croyance. On peut au moins penser que foi en un absolu est la confiance additionné d’une plus value qui lui confère quelque chose d’extrêmement solide à l’endroit d’un concept, une idée ou une réalité qu’il est tout autant. C’est en lui donnant un contexte, philosophique ou spirituel, qu’on peut mieux en saisir le sens.


Que doit-on conclure au terme de cette brève réflexion sur la question de la confiance? Que la vie est impossible à vivre, que l’existence est impossible à définir, sans qu’en quelque part apparaisse ce concept et cette réalité de confiance. En d’autres termes, la confiance est la trame de fond de toute existence humaine, de toute vie en société et tout ce qui peut arriver en société. Et que l’existence humaine se définit selon la grandeur et la force de la confiance qui se bâtit graduellement au plus profond de l’inconscient humain et un humain en perpétuel devenir.


Ce n’est quand même pas si mal pour un syndrome de la page blanche, non?

Normand Perry
Soulanges au Québec, en ce dimanche le 7 février 2010, 6h42 am.

Cette réflexion est présentement publié sur Vigile.