mercredi 6 février 2013

Les questions de goûts et la vie en commun

Lorsque nous nous arrêtons pour y réfléchir, c'est une évidence que rien n'est plus subjectif à chaque individu que la question de chacun des goûts.

Si nos besoins primaires de se nourrir, dormir, se vêtir, se couvrir, se reproduire et pourvoir à tous ces besoins relèvent de la nature de l'être humain, chacun de nos besoins primaires ne répondent-ils non seulement à des besoins vitaux, mais sont également conditionnés par la culture ambiante.

Il y a cependant un lieu où nous répondons à des goûts culturels qui n'ont aucun lien en rapport à un besoin vital, c'est celui d'entendre de la musique. La privation de musique ne peut pas causer la mort, alors que la privation d'un besoin primaire ou de son abus peuvent mener au décès.

À quoi je veux en venir en rapprochant musique et nourriture? La musique présente dans les restaurants, les épiceries, entre autres choses, et même en d'autres espaces publics. Que de fois que je me rends en un espace public et que je ne cherche qu'à fuir l'endroit parce qu'on vient me casser les oreilles avec un type de musique que je n'aime pas! Cherche-t-on à favoriser le commerce ou le contraire? Si le commerce en est le but, alors revoyez vos façons de faire en matière de sons et de bruits ambiants.

Pourquoi nous rendons-nous au restaurant? Les raisons sont certainement variées. Mais essentiellement pour se nourrir et vivre une expérience gustative, à la base certes, mais y vivre une expérience éminemment sensorielle par-dessus tout, peu importe le choix de type de restaurant que je vais faire. Tous les sens sont sollicités lorsque je vais au restaurant : vue, odorat, tactile, gouter et ouïe.

Si je prends la décision de me rendre dans une chaîne de restaurant rapide, je fais le choix de manger rapidement sans vraiment trop me préoccuper du raffinement alimentaire. Et avouons-nous-le franchement : les autres sens ne sont pas très gâtés dans ce type de restaurant. L'élément que je trouve préoccupant, est le choix et la force de la musique qu'on nous impose en ces lieux. Souvent, c'est de la musique pop et/ou rock assez forte. Cherchons-nous à plaire à la clientèle ou répondons-nous uniquement aux goûts musicaux des proprios? Combien de fois ai-je voulu me rendre dans un restaurant de ce type pour y prendre mon petit déjeuner le matin, et qu'une fois entré à l'intérieur j'ai rebroussé chemin parce que je me suis fait casser les oreilles par de la grosse guitare électrique le matin à 5h30? Non mais franchement!

Par contre si mon choix se porte vers un restaurant reconnu pour la finesse de ses plats, alors c'est une autre histoire.

Par exemple, si, un soir j'ai envie de me rendre dans un restaurant de fine cuisine chinoise avec ma famille, non seulement vais-je vivre l'expérience de goûter à l'Asie, mais également mes autres sens seront généralement sollicités par l'expérience de l'Asie : au plan visuel (le décor et le style vestimentaire des gens qui font le service), au plan de l'odorat (odeurs de la cuisine), au plan tactile avec l'utilisation de baguettes chinoises pour porter la nourriture à ma bouche, par exemple. Mais trop souvent, je suis témoin d'une incohérence parfaite dans l'harmonie de mon expérience sensorielle : mes oreilles sont exposées à de la musique pop ou rock, et très souvent à un volume où je dois élever la voix pour me faire comprendre des gens avec qui je tente de faire la conversation. Pensons-y : on veut me faire vivre une expérience sensorielle chinoise, japonaise, thaïlandaise ou vietnamienne avec tous mes sens, sauf mes oreilles : pourquoi autant d'incohérence? Je veux vivre une expérience asiatique dans un restaurant de fine cuisine asiatique sur tous mes sens : mettez de la musique traditionnelle d'Asie pour l'amour du ciel! Et de grâce, à un volume où elle fait partie du décor et non pas s'imposer par-dessus tout.

Ce que je viens d'illustrer pour l'expérience asiatique en restauration est d'autant plus vrai pour l'expérience italienne, grecque, québécoise, etc. À combien de reprises m'est-il arrivé de me rendre dans une cabane à sucre au printemps, où l'on veut me faire vivre une expérience d'une certaine époque du Québec sur tous mes sens sauf qu'on nous remplit les oreilles avec du rock à tue-tête. Mais qu'est-ce donc que ça? Mettez-nous de la musique traditionnelle du Québec que diable! On a plein de groupes de musique dite « trad » et il y a une recrudescence pour ce type de musique chez les jeunes et je suis là pour ça : pour vivre l'expérience de la tradition québécoise!

En d'autres termes, mesdames et messieurs les tenanciers de restaurant, faites donc preuve de cohérence et soyez harmonieux en regard de l'expérience sensorielle que le client vient vivre dans votre établissement. Vous lui offrez un décor, des couleurs, des odeurs et des goûts d'un type de cuisine? Alors, offrez-lui de la musique qui s'y marie dans une ambiance feutrée pour que l'on puisse se parler!

Pourquoi cherche-t-on à nous enfermer (dans les espaces publics) à l'intérieur d'un seul genre musical comme pour vouloir faire apparaître le pop/rock comme étant le seul genre plaisant à chaque individu qui doit s'y soumettre bon gré mal gré de ses propres goûts? Ouvrez-vous les horizons culturels musicaux, la musique c'est aussi le country, le jazz, le classique, le baroque et combien d'autres encore!

Normand Perry.

Billet également publié sur:

-Le Huffington Post
-Le Globe