mardi 20 mars 2012

La bête à deux têtes

«Ce que je veux c’est votre bien, et je m’organise pour l’avoir au complet» -Un ancien trésorier d’une institution de formation montréalaise.

La lutte présente du mouvement étudiant au Québec, visant à faire reculer le Gouvernement de Jean Charest sur la question des augmentations des frais de scolarité de 75% en cinq ans, met en relief un très curieux paradoxe sur lequel je ne cesse de réfléchir depuis quelques jours.

Depuis les deux dernières années, peut-être davantage, l’actualité nous rapporte sur une base assez fréquente l’inquiétude grandissante de ceux que j’ai surnommé nos grands bonzes de nos finances personnelles, en ce qui attrait au taux d’endettement chronique, élevé et incontrôlable des ménages québécois. Incontrôlable à tel point que notre «bon» Gouvernement du Québec, sous l’impulsion de son Ministre des finances, Jean-Marc Fournier, est présentement en étude parlementaire dans le but de faire adopter le projet de loi 24 sur le surendettement des ménages. Imaginez-vous qu'on est tellement inquiet au Québec de l’endettement des familles qu’il est devenu impératif de voter une loi qui aura pour but, entre autre chose, d’obliger un individu à payer au minimum 5% du solde de son compte d’une carte de crédit mensuellement, lorsqu’il est incapable de payer le solde en entier.


Évidemment pas un traitre mot ni effort d'action du «bon» Gouvernement du Québec sur les taux d’intérêts, qui dans certains cas frisent les taux usuraires : mais non, les banques sont assez grandes pour y voir elles-mêmes! Mais pour le taux minimal de paiement mensuel hop, on fait grimper ça de 2 à 5%, question de s’assurer que le pauvre contribuable paye plus rapidement ces dettes en ne laissant pas trainer trop longtemps. Car voyez-vous, il paraît, que nous les pauvres contribuables, sommes de très mauvais gestionnaires de nos finances personnelles. Ça c’est ce que nous raconte l’une des deux têtes de notre bête.

***

Dans l’arsenal de l’argumentaire du Gouvernement de Jean Charest pour justifier les augmentations de frais de scolarité, de l’ordre de 75% en cinq ans faut-il le rappeler, on nous raconte  que les étudiants auront toujours le loisir de se tourner vers le régime des prêts et bourses pour «les aider» à pourvoir au financement de leurs études collégiales et universitaires.

Or, il est bien connu que les critères d’admissibilité à une bourse d’étude sont tellement discriminatoires à l’égard des familles où le revenu annuel dépasse à peine le seuil de pauvreté
(une famille de 4 par exemple où le revenu est à 60,000$ annuellement avant impôts, la bourse accordée sera  d'un gros zéro dollars), que les étudiants pouvant compter strictement sur les bourses pour être en mesure de mener à terme leurs études sont d'une très grande rareté. Que reste-t-il alors? Les prêts sont disponibles pour vous chers étudiants! Endettez-vous, c’est bon pour votre avenir!

N’est-ce pas cette même bête qui par son autre tête qui se montre morte d’inquiétudes à l’égard de l’endettement des familles québécoises, qui par  cette tête-ci encourage ces jeunes étudiants à s’endetter pour 5, 10, 15, 25 ou 30 ans pour obtenir leur diplôme et un bagage académique inestimable?

On aura tous compris que cette bête à double têtes jubile de voir la classe moyenne ainsi aller vers sa disparition par tous les moyens possibles. Car depuis avril 2003, il me semble que la cours est pleine de cas d'augmentations de tarifs de tous acabits, de privatisations lentes mais certaines de nos institutions publiques, et surtout de privilèges accordés à certains!

Et quand j’entends le ministre des finances du Québec Raymond Bachand balancer à gauche et droite que chacun doit faire sa part dans l'équilibre budgétaire, il omet de mentionner à chaque fois que l’idée même de voir les gens les mieux aisés au plan des revenus et de la richesse ne font et ne feront jamais partie de cette contribution équitable selon les moyens propres à chaque situation de  manière équitable. Car voyez-vous, il parait qu’aux yeux de l’oligarchie capitaliste et néolibérale, demander aux riches de faire leur juste part soit une transgression et un tabou épouvantable…épouvantable à l’égard des petits amis du pouvoir, n’est-ce pas?

Lorsqu'une société en est rendue à bâtir un ordre social sur d'aussi grandes injustices et de pareilles effronteries arrogantes, un simple changement de gouvernement n'est plus la solution pour espérer rétablir une équité vraie, mais seule une révolution profonde peut être en mesure de la faire.

Car avouons-le franchement, ce que l'on fait subir à la classe moyenne au Québec depuis avril 2003 est d'une violence jamais vue historiquement que je n'arrive pas à trouver d'autres termes pour la baptiser que d'une extermination économique!


Et cela n'est pas inquiétant pour les étudiants uniquement, ce l'est pour la vaste majorité des citoyens...


Normand Perry

4 commentaires:

  1. Oh que voila un beau texte lucide ! Merci Normand, tu donnes une belle parole a mes pensées. :-) Et n'oublions jamais que ces jeunes que notre bon gouvernement se fiche d'endetter sont ceux la même a qui l'on demandera de payer pour notre retraire et nos "foyer du bonheur" pour les p'tit vieux que nous seront devenus pas trop fier de nous d'avoir manquer les principes d’équité de la république.

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  2. je signe le commentaire ci-haut:-) Benoit Dupuis, Gatineau.

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    1. Vous avez vraiment bien saisi la situation et j'endosse tout à fait vos conclusions. Merci d'avoir mis en mots ce que nous soupçonnons tous.
      Marie-Eve Doré
      St-Louis-de-Blandford

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  3. Merci Normand de si bien exprimer ce que je pense et que je ne peux formuler.

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