Il y a de ces jours où les événements forcent à l'action plutôt qu'à la réflexion en profondeur. Les dizaines et dizaines de reportages sur un seul et même thème dans un média national suffisent en effet à émouvoir les entrailles pour se rendre compte que le monde de la réalité, et excusez le pléonasme, bien réel, appel justement à de l'action concrète.
On ne peut évoquer le sens du réel sans avoir en arrière pensée Aristote. En effet, contrairement à son maître Platon, pour qui l'idée se génère de manière spontanée, innée disait-il, son disciple Aristote lui, prétend avec conviction que l'idée naît de la rencontre du sujet avec son objet: "rien dans l'intellect qui n'ait d'abord passé par les sens" dit-il. D'ailleurs, lorsque l'on observe la fresque de l'École d'Athène (au bas de cette page), représentant la grande majorité des philosophes grecs de l'Antiquité, au centre nous voyons justement Platon pointant de son doigt le monde des Idées (symbolisé par le ciel) et Aristote pointant la terre ferme, démontrant ainsi que le seul réel provoque la génération d'idée chez le sujet qui en fait sa rencontre.
Cette terre ferme au cours de la semaine qui se termine fut pour le peuple d'Haïti quelque chose de dévastateur, éprouvant et tragique. Cette rencontre du réel pourtant fatale à ce peuple des Caraïbes, provoque partout dans monde l'émoi et la compassion, l'action en aide internationale, rarement de l'indifférence (comment pourrait-on d'ailleurs demeurer de glace face à un destin aussi tragique pour le peuple haïtien) et malheureusement des réflexions déplacées, voire carrément stupide du genre "une malédiction divine s'acharne sur ce peuple d'Haïti" entendu d'ailleurs par un ancien candidat républicain à la Maison Blanche et de quelques-uns ici au Québec, que l'écrivain Dany Laferrière à tôt fait de rabrouer avec raison d'ailleurs.
Certains, croyants ou non, posent cette question du rôle du divin en de tels événements "comment votre Dieu peut-il laisser faire de telles choses?" disent les uns, et "voici la punition de Dieu à cause de x-y-z comportement de certains peuples" disent d'autres encore. Du moment où l'on pose la question de Dieu, peu importe les circonstances, il faudrait avoir une meilleure idée de ce dont on parle, non? Par définition métaphysique Dieu "est". Par définition théologique judéo-chrétienne ce Dieu révélé "est amour". S'il est dès lors question d'un Dieu d'amour, cette notion vient mettre en relief un autre concept important, autant pour les philosophes que pour les théologiens, celui de la liberté. Si ce Dieu est amour, il laisse événements cosmiques et l’action des humains se produire dans une liberté véritable. Comment en effet Dieu pourrait-il être amour si les événements étaient conduits de sa main divine à tout instant? Imaginons un seul instant que Dieu soit à l'œuvre dans l'Histoire du monde comme acteur principal : où serait alors la liberté des individus si chère à nos démocraties modernes? Et comment les femmes, les hommes et les enfants seraient-ils en capacité de développer cet amour "agape" si Dieu était là à intervenir à tout instant dans nos vies respectives? Non, ce Dieu qui "est" (c'est d'ailleurs le nom qu'on lui désigne dans la langue hébraïque "Yahwe" qui veut dire "Je suis celui qui est") invite par sa manière d'être l'humanité à entrer dans cet amour "agape". Si la personne humaine n'avait pas la liberté de répondre par oui ou non à cet appel, comment alors pourrait-on parler d'un Dieu qui est amour? Ainsi en est-il des événements: ils se produisent librement, que ces événements soient heureux ou qu'ils le soient moins, et s'il n'en n'étaient pas ainsi, le concept de souveraineté des nations et des individus serait d'une absurdité totale.
Au terme de cette réflexion, on ne peut s'empêcher de faire appel à la générosité de chacune et chacun face aux scènes de désolation en provenance d'Haïti. Il ne s'agit pas de charité comme le clame Dany Laferrière, mais du gros bon sens. À l'heure où sont rédigées ces lignes, les secours ont peine à s'organiser sur place, et une nation entière est à rebâtir. Mais avant de penser même à rebâtir, il y a des morts à enterrer au plus vite avant que des épidémies de choléra se répandent dans la population, il y a des soins d'urgence à prodiguer, il y a de l'eau, de la nourriture et des vêtements à acheminer là-bas. La tâche est incommensurablement immense. Pourtant, en exerçant chacun de nous, de manière libre et souveraine, des actions émanant du gros bons sens, nous pouvons de manière solidaire accélérer l'acheminement et l'organisation des secours. Médecins sans frontières et La Croix-Rouge attendent un geste de solidarité de nous tous, de manière réel et bien terre à terre.
Ce texte est également en ligne sur Vigile.
Normand Perry
Les Coteaux, en ce samedi 16 janvier 2010.
On ne peut évoquer le sens du réel sans avoir en arrière pensée Aristote. En effet, contrairement à son maître Platon, pour qui l'idée se génère de manière spontanée, innée disait-il, son disciple Aristote lui, prétend avec conviction que l'idée naît de la rencontre du sujet avec son objet: "rien dans l'intellect qui n'ait d'abord passé par les sens" dit-il. D'ailleurs, lorsque l'on observe la fresque de l'École d'Athène (au bas de cette page), représentant la grande majorité des philosophes grecs de l'Antiquité, au centre nous voyons justement Platon pointant de son doigt le monde des Idées (symbolisé par le ciel) et Aristote pointant la terre ferme, démontrant ainsi que le seul réel provoque la génération d'idée chez le sujet qui en fait sa rencontre.
Cette terre ferme au cours de la semaine qui se termine fut pour le peuple d'Haïti quelque chose de dévastateur, éprouvant et tragique. Cette rencontre du réel pourtant fatale à ce peuple des Caraïbes, provoque partout dans monde l'émoi et la compassion, l'action en aide internationale, rarement de l'indifférence (comment pourrait-on d'ailleurs demeurer de glace face à un destin aussi tragique pour le peuple haïtien) et malheureusement des réflexions déplacées, voire carrément stupide du genre "une malédiction divine s'acharne sur ce peuple d'Haïti" entendu d'ailleurs par un ancien candidat républicain à la Maison Blanche et de quelques-uns ici au Québec, que l'écrivain Dany Laferrière à tôt fait de rabrouer avec raison d'ailleurs.
Certains, croyants ou non, posent cette question du rôle du divin en de tels événements "comment votre Dieu peut-il laisser faire de telles choses?" disent les uns, et "voici la punition de Dieu à cause de x-y-z comportement de certains peuples" disent d'autres encore. Du moment où l'on pose la question de Dieu, peu importe les circonstances, il faudrait avoir une meilleure idée de ce dont on parle, non? Par définition métaphysique Dieu "est". Par définition théologique judéo-chrétienne ce Dieu révélé "est amour". S'il est dès lors question d'un Dieu d'amour, cette notion vient mettre en relief un autre concept important, autant pour les philosophes que pour les théologiens, celui de la liberté. Si ce Dieu est amour, il laisse événements cosmiques et l’action des humains se produire dans une liberté véritable. Comment en effet Dieu pourrait-il être amour si les événements étaient conduits de sa main divine à tout instant? Imaginons un seul instant que Dieu soit à l'œuvre dans l'Histoire du monde comme acteur principal : où serait alors la liberté des individus si chère à nos démocraties modernes? Et comment les femmes, les hommes et les enfants seraient-ils en capacité de développer cet amour "agape" si Dieu était là à intervenir à tout instant dans nos vies respectives? Non, ce Dieu qui "est" (c'est d'ailleurs le nom qu'on lui désigne dans la langue hébraïque "Yahwe" qui veut dire "Je suis celui qui est") invite par sa manière d'être l'humanité à entrer dans cet amour "agape". Si la personne humaine n'avait pas la liberté de répondre par oui ou non à cet appel, comment alors pourrait-on parler d'un Dieu qui est amour? Ainsi en est-il des événements: ils se produisent librement, que ces événements soient heureux ou qu'ils le soient moins, et s'il n'en n'étaient pas ainsi, le concept de souveraineté des nations et des individus serait d'une absurdité totale.
Au terme de cette réflexion, on ne peut s'empêcher de faire appel à la générosité de chacune et chacun face aux scènes de désolation en provenance d'Haïti. Il ne s'agit pas de charité comme le clame Dany Laferrière, mais du gros bon sens. À l'heure où sont rédigées ces lignes, les secours ont peine à s'organiser sur place, et une nation entière est à rebâtir. Mais avant de penser même à rebâtir, il y a des morts à enterrer au plus vite avant que des épidémies de choléra se répandent dans la population, il y a des soins d'urgence à prodiguer, il y a de l'eau, de la nourriture et des vêtements à acheminer là-bas. La tâche est incommensurablement immense. Pourtant, en exerçant chacun de nous, de manière libre et souveraine, des actions émanant du gros bons sens, nous pouvons de manière solidaire accélérer l'acheminement et l'organisation des secours. Médecins sans frontières et La Croix-Rouge attendent un geste de solidarité de nous tous, de manière réel et bien terre à terre.
Ce texte est également en ligne sur Vigile.
Normand Perry
Les Coteaux, en ce samedi 16 janvier 2010.
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